LE 16/02/2011
10ème jour de grève, 272ème jour sans ma fille. 70, 900kg.
La prise de sang affiche une glycémie à 0,68g/l, et le cpk à 266, le reste est normatif.
A 7 h30, je suis pris d’un étourdissement dans le tram, en allant porter plainte à l’hôtel de police, pour non présentation d’enfant. L’air frais me requinque. Ce commissariat, ses chaises, sa machine à café, ses couleurs, ses odeurs, ses voix et ses murs, buvard quotidien de nos larmes, j’y ai passé des heures. Des heures, depuis l’enlèvement hebdomadaire de ma fille, depuis que je m’obstine à porter plainte. Les policiers font du copié/collé de mes plaintes, de ma douleur et de ma révolte. J’y vais comme on va au théâtre, sachant que les comédiens jouent faux, sur un texte mal écrit.
Premier « client », j’évite ainsi l’attente allant de 1 à 3 heures. Ambiance « Plus Belle la Vie » aujourd’hui…. on se papouille, on se serre des poignées de main viriles. Je les observe dans leur milieu naturel bleuté. Finalement, ils sont comme nous, ces gens-là, mêmes préoccupations d’amour, de famille, d’argent, de travail et de sexe, et mêmes rêves.
Conversation surréaliste au laboratoire d’analyses sanguines :
- Vous êtes à jeun depuis plus de 12 heures ?
- Oui, depuis plus de huit jours !
La demoiselle inquiète de son audition ou de mon état mental, me pose à nouveau la question, à laquelle, je réponds :
- oui, je suis à jeun depuis plus de huit jours…. J’ai entrepris une grève de la faim. Elle m’assimilait à un loufoque ou un idiot, voilà qu’elle me prend pour un martien !
Pour ma fille, j’ai déjà joué au lion, au clown, à la girafe, au dinosaure, même au mulet, mais au martien, non, pas encore…
LE 15/02/2011
9ème jour de grève, 271ème jour sans ma fille.71,400kg
Mon corps a compris la nécessité absolue de se mettre en veille et vit au ralenti. Durant huit jours, j'ai bu de l'eau et des tisanes, sans sucre. Mon médecin me conseille de sucrer ces boissons pour tenir sur la longueur. Je m'accorderai donc une cuillère à café de miel dans ma théière, par jour (deux cuillères les jours de fête!). Cette semaine, avec l’accord de ma direction, je me suis mis en congés. Je me consacrerai ainsi exclusivement au plan médias (comme on dit dans le métier). Le combat sera long, je le saisis davantage chaque jour. Le pot de fer contre le pot de terre ! Quitte ou double ! Tout gagner ou tout perdre !Imaginer ma fille dans mes bras me pique les yeux. Les temps n’ont pas changé, les papas se cachent toujours pour pleurer. Prendre sa petite main dans la mienne, l’accompagnant à l’école… Saurais-je à nouveau cela ? Est-ce qu’être papa ça s’oublie ? On me dit que non. Moi, plutôt réservé, discret, voire un peu ours (avec cette grande nécessité quotidienne d’entrer dans ma grotte pour me ressourcer), face à ces mains tendues, connues ou inconnues, et ces encouragements sincères, je m’incline et dis MERCI.
LE 14/02/2011
8ème jour de grève de la faim, 270ème jour sans ma fille.71,900kg
Grande fatigue. Dimanche de repos et d'hydratation, allongé presque toute la journée à boire (5 litres d'eau et tisanes, mon quotidien depuis une semaine). J'ai quelques contacts de journalistes. Je les informe très prochainement de ma démarche de grève. J'entre dans la fosse aux lions. Avec les médias, il arrive un moment où l'on ne maîtrise plus les choses.
LE 13/02/2011
7ème jour de grève de la faim, 269ème jour sans ma fille. 72Kg
Etat satisfaisant, malgré un fort mal de dos. Mon taux de glycémie est monté, de 43 g/l jeudi 10 février à 52 g/l ce samedi 12 février (il est considéré comme normal entre 0,74 et 1,06 g/l). Donc le corps, formidable machine, réagit, va puiser dans mes graisses pour les transformer en sucre, et ainsi nourrir les organes vitaux, notamment le cerveau.La démarche de grève de la faim, acte de protestation, acte politique, devient aussi pour moi une réflexion approfondie sur l'alimentation, notre façon de nous nourrir, la malbouffe. Le proverbe "On creuse sa tombe avec ses dents" me parait de plus en plus juste. A l’issue de ce combat… un fromage, un saucisson, du pain complet, deux tomates, et un verre de vin. J’en rêve. Produit régional. Les fantasmes de nourriture me tenaillent à nouveau.
LE 12/02/2011
6ème jour de grève de la faim, 268ème jour sans ma fille. 72,600kg,
Sensation de refroidissement du corps, émotivité accrue, capacités intellectuelles indemnes mais plus lentes à se mettre en fonction, marche à pied sans soucis. Sensibilisation du voisinage ; une femme apparentée à l’immeuble vient m’apporter son soutien (elle-même entame une procédure de justice pour revoir sa petite-fille de 11 ans absente de sa vie depuis un an). Le boulanger à qui j’annonce ma démarche, me dit, visiblement troublé "faîtes attention à vous, on a besoin de vous"... il me semble qu'il ne parlait pas à l'acheteur de baguette que je suis habituellement. Mais à l’homme que je suis, entouré des siens. Son humanité m’a touché. Des mots simples…mais un encouragement. Aujourd'hui samedi, à 9 heures, je vais devant le domicile de la mère de ma fille, comme chaque samedi depuis fin juillet 2010 et laisserai ce message sur son répondeur "aujourd'hui, je viens chercher ma fille conformément au jugement de juillet 2010. Ensuite suivra la plainte hebdomadaire pour non présentation d'enfant. J'y vais plus fort et déterminé que jamais.
LE 11/02/2011
5ème jour de grève de la faim, 267ème jour sans ma fille.
Perte de 5 kg depuis lundi 7 février (78kg à la pesée chez le médecin, 73kg ce matin). Léger brouillard dans la tête, équilibre spatial moins assuré, estomac en appel, mais concentration revenue. Dans l'ensemble forme satisfaisante. Activités quotidiennes effectuées avec ralentissement. Comme dans le cadre d'un jeûne, le corps se nettoie, se détoxique, mais s’affaiblit. Elaboration du blog.
LE 10/02/2011
4ème jour de grève de la faim, 265ème jour sans ma fille.
Cette première semaine est consacrée à la gestion de la faim, et à la communication de ma situation aux pouvoirs publics. La deuxième semaine sera consacrée aux médias. Hier, des grenouilles chantaient dans mon ventre.
LE 09/02/2011
3ème jour de grève de la faim, 264ème jour sans ma fille.
Les fantasmes de cassoulet, de lasagnes, de café et les maux de tête sont passés. Réception aujourd'hui d'un courrier fixant une audience en cour d'appel au mois de mars (la mère a fait appel au jugement précédent qui statuait la garde de ma fille chaque samedi). Je poursuis néanmoins ma grève, sachant que celle-ci ne respectera pas ce futur jugement, tout comme elle ne respecte pas actuellement le précédent. Que la justice ne l’incitera pas à l’appliquer, bafouant ainsi mes droits de père. Et ce sera à nouveau plainte sur plainte de ma part. Donc oui, je continue la grève.
LE 08/02/2011
2ème jour de grève de la faim, 263ème jour sans ma fille.
Les maux de tête persistent, disparaîtront en fin de journée. Etat de fatigue générale.Problèmes de concentration. Fantasmes de repas gargantuesques.
LE 07/02/2011
1er jour de grève de la faim, 262ème jour sans ma fille 78kg
Certifié par le médecin. Journée difficile. Appréhensions, sensations d’aller sur un chemin inconnu. Maux de tête légers mais persistants. Problèmes de concentration.